lundi 23 février 2009

M'ARRICORDU... UNE JOURNEE A L'ECOLE AU DEBUT DU SIECLE - par Lucie Santori

Avant 1900, il n’y avait pas de groupe scolaire. Les élèves étaient dans plusieurs classes réparties dans différentes salles appartenant à des particuliers.
En 1900, le Maire d’alors, Monsieur François Savelli, fit l’achat d’une maison appartenant à Monsieur Jean Giudicelli correspondant à l'actuelle Mairie. Il fit construire deux ailes pour y installer les salles de classe : les garçons occupant l'aile gauche et les filles l'aile droite, le centre comportant les appartements des enseignants.
Jusqu'en 1925-1926, on y préparait le Brevet Elémentaire et le concours d'entrée à l'Ecole Normale d'Instituteurs.
En 1924, il y avait environ cent vingt élèves répartis dans quatre classes ; la classe enfantine était alors la plus peuplée. Le corps enseignant se composait, pour les garçons, de :
- Mr Giacopelli (pour les classes de C.M. et C.F.E.),
- Mr Quilichini (pour les classes de C.E.1 et C.E.2),
et pour les filles de :
- Mlle Angeletti (classes de C.E.1, C.E.2, C.M.et C.F.E.),
- Mme Moretti (classe enfantine mixte).
A 8 H 20, la clochette, installée sur la terrasse du groupe scolaire, sonne et tous les enfants du village se dirigent vers l'école.
Ils sont accueillis par les deux maîtres et les deux maîtresses.
A 8 H 30, c'est l'inspection de propreté portant sur le cou, les oreilles, les cheveux, les mains et les ongles. Puis, c'est l'entrée en classe ponctuée par des chansons telles que :
- Il fait jour, le ciel est rose,
- c'est aujourd'hui la fête,
- trois jeunes tambours,
- savez-vous planter les choux,
ainsi que d'autres chansons entraînantes.
A l'intérieur de la classe, le silence est de rigueur, les mains derrière le dos, on écoute la maîtresse pour la leçon de morale, la lecture, le calcul et l'écriture.
A 10 heures, la cloche sonne pour annoncer la récréation. Avant de sortir de la classe, la maîtresse donne à une élève une petite pierre qui passera à celui ou celle qui prononcera un mot en corse. Le dernier détenteur de la pierre ira au piquet le nez contre le mur. C'était très dur, car nous avions l'habitude de nous exprimer en corse hors de l'école. La matinée se terminait à 11 h 30, puis chacun allait déjeuner chez soi car il n'y avait pas de cantine. Nous reprenions l'école à 13 H 30 jusqu'à 16 H 30. L'après-midi était réservé au dessin, travaux manuels et gymnastique.
Dans la classe enfantine, il y avait de longues tables pour les activités ; elles pouvaient accueillir dix élèves sur des petits bancs de même longueur que les tables. Il y avait beaucoup de bousculade pour occuper les bancs et la maîtresse, Madame Moretti, avait fort à faire pour ramener le calme.
Au mur, deux grands tableaux étaient fixés : l'un pour la classe enfantine, l'autre pour le C.P. Au fond, un meuble servait à ranger les lettres mobiles, les chiffres et les bûchettes. Un coin était réservé aux soins de propreté. Il y avait deux seaux pleins d'eau car il n'y avait pas l'eau courante au groupe scolaire et chaque jour les grandes filles allaient remplir un seau à la fontaine du village. On y trouvait également des serviettes, des gants de toilette, du savon, des brosses à dents, du dentifrice solide. Pour chauffer la classe en hiver, une cheminée dispensait de la chaleur et était alimentée par des bûches (chaque enfant devait apporter une petite bûche le matin).
A l'âge de cinq ans, les élèves apprenaient les lettres, les syllabes, quelques mots, les chiffres et quelques exercices d'addition avec des bûchettes fabriquées avec des tiges d'asphodèles séchées.
A six ans, on leur faisait réunir les syllabes pour former des mots et des phrases. Quant au calcul, il se résumait aux additions et soustractions. Pour ce faire le matériel utilisé était essentiellement une ardoise, de la craie et, pour le C.P. un crayon noir afin d'écrire sur un cahier à double ligne.
A l'âge de sept ans, on "montait" chez les grands (C.E. - C.M. - F.E.) dont la classe était équipée de bureaux à deux places. Les grands avaient droit à des encriers , de l'encre violette, des porte-plumes et buvards. Tous les mois, un contrôle complet sur toutes les matières était effectué.
Puis à l'âge de onze ans, certains élèves se présentaient au concours d'entrée en classe de sixième et ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas continuer les études, préparaient le Certificat d'Etudes qu'ils passaient à treize ou quatorze ans.
Au mois de mai (après la saint Pancrace - 13 mai), les enfants du Niolu quittaient l'école et partaient avec leurs parents car c'était le temps de la transhumance. Les autres enfants devaient attendre le 13 juillet pour être en vacances.


LUMIO - Photo de classe (1924)


C.P. : Cours Préparatoire
C.E. : Cours Elémentaire
C.M. : Cours Moyen
C.F.E. : Cours de Fin d'Etude

LE PASTORALISME - par Pierre Neuville avec la collaboration dAndré Lomellini, d'André Savelli et Philippine Marchetti


Au début du XX° siècle, alors qu’une quinzaine de milliers d’ovins et de caprins séjournaient tous les hivers dans l’immense plaine de Calenzana (Montemaggiore, Calenzana et Lumiu) où l’on dénombrait près de cent-cinquante cabanes, des bergeries pour l’essentiel, l’élevage avait conservé une grande place à Lumiu. Une vingtaine de familles de bergers y résidaient ainsi que cinq ou six autres, niolines transhumantes (toujours les mêmes). Toutes étaient propriétaires de leurs troupeaux forts de 150 à 200 têtes (6 de chèvres, 19 de moutons). Les unes et les autres avaient abandonné leurs bergeries de la plaine où elles vivaient autrefois assez modestement, pour l’agglomération. Le phénomène fut amorcé dans les années 1880, notamment à partir du moment où l’enseignement primaire devint obligatoire, puis accentué au fur et à mesure que s’améliora le sort des bergers. Les mouvements migratoires conduisirent à l’abandon de nombreuses terres arables, désormais vouées à la pâture, qui permirent l’agrandissement des troupeaux et leur appropriation par bien des salariés. Lorsque, exceptionnellement, l’âge ou la maladie, empêchaient un berger de s’occuper de son troupeau il le confiait à un autre. La location s’effectuait selon deux modes : à « l’alivelu », pour l’an, d’octobre à octobre, contre 1 kilo de fromage par tête ou l’équivalent en argent, ou « à manghjera », d’octobre à mai contre une agnelle élevée pour trois brebis louées. Enfin, à partir de 1893, les sociétés fromagères de Roquefort prirent l’habitude de récolter le lait tous les hivers, de novembre à mai. Ce dernier était transporté à dos d’âne vers les laiteries installées sur le territoire de la commune, au nombre de trois jusqu’à la fin des années 50 : Marie Grimmal, Pasternak et Cie, Roquefort Abeille. En 1896, on dénombrait dans l’île 432 230 moutons et 232 600 chèvres (1). A cette époque il y avait plus de 800 000 animaux élevés en Corse pour moins de 300 000 habitants.
Les hommes restaient seuls avec les adolescents auprès des troupeaux, dans les bergeries. Leurs activités devenaient de plus en plus lourdes avec l’agrandissement de ceux-ci. La traite et la préparation du fromage étaient dévoreuses de temps. La première traite avait lieu le matin, à la bergerie, avant le parcage du troupeau pour la journée dans l’une des parcelles réservées et clôturées, l’errance ne pouvant être pratiquée. Le troupeau devait ainsi tourner dans les différentes pâtures pour la reconstitution des herbages et la fertilisation naturelle des terrains. Une seconde traite était opérée le soir, sauf pour les mères allaitantes. L’opération demandait une à deux minutes par bête (2). Une brebis donnait de 50 à 75 cl de lait alors qu’une chèvre pouvait en lâcher le double en début de période de lactation. Ces dernières, dociles, se laissaient traire facilement, le berger évoluant librement, dans la « mandria » avec son « tinellu » ; plus tard remplacé par le seau en « alu » fourni par les sociétés de Roquefort. Les brebis devaient être triées et enfermées dans un couloir de traite, « u compulu », où le trayeur se déplaçait d’un animal à l’autre repoussant derrière lui chaque bête libérée. Paradoxalement les brebis étaient plus faciles à maintenir enfermées, le soir, que les chèvres grimpeuses et sauteuses. Les « mandrie » devaient être protégées par des très hauts murs surélevés de branchages.
Un peu avant la Saint Pancrace (13 mai), avait lieu la tonte des brebis, « A tundera ». Elle devait être opérée en une matinée, mais ne pouvait débuter qu’ à partir du moment où les animaux commençaient à transpirer, pour faciliter la coupe à l’aide des « furbice » (les forces), et donc opérée rapidement, en quelques heures seulement. Le nombre de bergers invité variait avec l’importance du troupeau. Un dixième procédait à la « liure » des bêtes qui devaient être immobilisées pendant l’opération. La tonte prenait 8 à 10 minutes par tête. Un repas de fête clôturait cette dure matinée (2). La laine était souvent vendue à un prix dérisoire.
L’été, le berger, à l’instar du chevrier, utilisait le lait de son troupeau pour fabriquer le fromage. Après l’avoir caillé, dans une grande bassine avec un apport de « fressure », il le mettait à égoutter dans des « cagiaghje » (fabriqués avec des joncs) où les « casghju » prenaient forme en se débarrassant de leur petit lait . Ceux-ci étaient ensuite placés dans de grandes caisses cloisonnées, après avoir été salés, pour un premier affinage en « casgile » ou en cave . Une fois par semaine ils étaient nettoyés avec un linge humide et retournés. Ils pouvaient être consommés « frais », à deux mois, ou « vieux » à cinq. Ils pouvaient même être conservés plusieurs années (5 à 6, sous surveillance) mais avec le risque d’être colonisés par « E saltulelle » (vers). En estive, le premier affinage, était opéré dans les « casgiles » érigés près des bergeries, soit construits en pierre sèche, soit aménagés dans des anfractuosités rocheuses fermées également, par un mur en pierre sèche. Ces derniers étaient toujours exposés au nord, dans des chaos rocheux à l ‘abri du soleil. Ils pouvaient atteindre intérieurement 3 mètres de longueur pour 2 de large et 1, 5 de hauteur. Un seul accès était ménagé à la base du mur de façade pour permettre le passage d’un homme allongé (l = 60, h = 50 cm). Il se condamnait avec une grosse dalle. Une petite ouverture de 20 x 30 cm (généralement) était réservée sur un côté pour l’introduction ou la sortie des fromages à l’aide d’une planche. A l’intérieur, ces derniers étaient déposés sur des étagères appropriées. En fin de saison, les fromages étaient vendus aux affineurs de Calenzana ; ceux destinés à la consommation familiale étaient amenés à la maison, au village, où ils étaient stockés en cave.
La vente des agneaux et des cabris était d’un excellent rapport et constituait, pour les bergers, avec celle du lait, l’essentiel de leurs ressources qu’il n’hésitaient pas à compléter accessoirement par du braconnage !
Ainsi, en ce début du XX° siècle, le sort des bergers se trouvait considérablement amélioré et souvent envié.
Tous les ans, rituellement, ils procédaient à une distribution gratuite de lait, « E Purice », le 11 mai . Une messe leur était consacrée un matin d’octobre, à cinq heures, en l’église du village.



Bibliographie :
(1) Renucci (J.) - 1981 - « La Corse », P.U.F, Que sais - je ? 127 pages
(2) Ravis-Giordani (G.) - « Bergers corses » - Les communautés villageoises du Niolu - Edisud, La Calade, 13090 Aix en Provence, 505 pages.

lundi 16 février 2009

COMMENT SE NOMMAIT-ON AUTREFOIS? - par Jean-Luc Alberti

Voici une question pas si anodine que cela. Car si aujourd’hui l’ordre public a imposé à chaque individu un état civil tel qu’il apparaît sur la carte d’identité avec, au côté de la photo, son nom de famille (transmis jusqu’à présent par le père) et un ou plusieurs prénoms, la mention de son sexe, la date et le lieu de sa naissance, il en était tout autrement autrefois en Corse pour la plupart des gens. Ainsi dans les années 1700 à Lumio, un individu sur deux n’avait pas de nom patronymique. En vérité, ce défaut n’avait qu’une importance toute relative. Dans la vie de tous les jours on continuait à faire appel à un autre système importé par les Francs (VIIIe-IXe siècles) qui utilisait traditionnellement les prénoms et les surnoms, ancêtres de la plupart de nos noms de famille, lesquels commencent à s’installer à partir du XIIème siècle dans les classes les plus aisées.
Dans les actes officiels, (recensements, listes nominatives...), en l’absence de nom patronymique, on inscrivait le prénom de baptême de la personne, suivi ou pas de celui de son père ou de sa mère : « Matteo di Felice », « Mimina di Geronima ». Pour les étrangers au village, le nom du village ou de la région d’origine suivait généralement: « Orsu di Niolu » ou « Lola di Calasima ». Cette pratique perdurera à l’écrit jusque dans les années 1880, et, à l’oral, jusqu’à présent.
En vérité le prénom remplissait une fonction différente de celle qu’il a dans nos sociétés contemporaines, une fonction double, ambiguë, à la fois nom propre d’un individu mais aussi marqueur symbolique d’une famille. Car chaque famille utilisait un ensemble de prénoms qui lui était propre en suivant une règle intangible : le premier enfant prend le prénom du grand-père paternel, le deuxième celui de la grand-mère maternelle, le troisième celui de la grand-mère paternelle, le quatrième celui du grand-père maternel.
Ainsi dans ce système, non seulement le prénom n’était pas réellement propre à une personne, mais associé à ceux de ses frères et sœurs, cousins et cousines, il renvoyait à sa famille et inscrivait un individu dans un lignage. (Que de cas de quasi-homonymies rencontrés dans la confection d’arbres généalogiques en Corse où au bout d’un moment on ne sait plus qui est qui et à quelle époque on se trouve! Des lignées dans un temps immobile, en quelque sorte. Mais surtout des marqueurs d’une société organisée suivant un ordre immuable.)
Ce faisant, un prénom pris dans une liste de prénoms amenait, presque sans risque d’erreur, à une famille alors que, paradoxalement, associé à un patronyme il pouvait désigner plusieurs cousins d’une même génération, ou des ancêtres communs.


Dans l’usage social ordinaire, à l’oral, on se référait, hors de la présence de l’individu en question, à son surnom personnel Dans cette société agro-pastorale, sensible aux traits physiques mais aussi encline aux joutes orales et à la facétie, le surnom était plus ou moins bien choisi. L’un était « Gallone », le gros coq, et l’autre « Domenicacciu », Dominique le mauvais ou le « fada » comme on dirait en Provence.

Le surnom de famille dénotait aussi un trait physique ou une qualité : « Falcone » par exemple, le rapace diurne à la vue perçante prêt à fondre sur sa proie. Il pouvait qualifier un individu qui avait un nom patronymique ou pas. Comme ce dernier, il était précédé du prénom de la personne : «Santu» était « Santu Falcone ». Mais ce surnom avait une autre fonction plus importante. Il était utilisé pour désigner ses enfants, « i Falcunaghj » et sa maison « A Casa Falcunaghja ». Associé au prénom, il sera transmis à son petit fils aîné, nommé comme lui, « Santu Falcone ». Son fils, en revanche, prénommé suivant la règle, verra son prénom suivi de « di + surnom », par exemple, «Paulo di Falcone».
Ainsi, le porteur du surnom de lignée incarnera par-delà les générations l’unité du groupe familial tout entier face aux intérêts des différents groupes, à l’intérieur ou à l’extérieur de la communauté villageoise, ou encore, de ceux, qui pouraient être particuliers, chez ses frères et cousins. Il sera le chef de sa lignée, le garant en quelque sorte de l’image sociale et symbolique que la communauté lui associe. Cet usage qui structurait si fortement le mode de fonctionnement de la société traditionnelle corse, en privilégiant les lignées et en donnant son assise au clanisme et au clientélisme, a disparu avec elle dans les années cinquante, même si elle a laissé des traces dans les mentalités encore aujourd’hui
Le recueil des surnoms personnels ou de famille utilisés au village, dans cette société de l’oralité, et dont il ne reste aucune trace écrite, pourrait faire l’objet d’un chantier collectif fort utile à verser au patrimoine collectif du village.

Les notables, qui ont été les premiers à porter un nom patronymique, étaient désignés, non par le leur - la personne était suffisamment connue pour qu’il ne pût y avoir équivoque- mais par leur prénom, précédé par un marqueur propre : « Sgio Marcantò » ou « a Signora Maria ». Les personnes âgées étaient plus « démocratiquement » qualifiées de « oncle » ou « tante », « Ziu Pè », « Zia Rò, « Oncle Pierre » et « Tante Rose ».

Comparé au surnom de lignée, le nom patronymique est moins prégnant mais il faut avoir conscience que tous deux induisent une façon de voir particulière subordonnant l’individu à la famille et à la lignée patrilinéaire. L’arbre généalogique des familles de « sgios » est en ceci exemplaire : les branches collatérales n’y figurent pas et les filles sont aussi « oubliées ». Enfin, notons que si l’Eglise appelle ses ouailles par leur prénom de baptème, les registres paroissiaux ne se distinguent pas dans leur conception de ceux de l’Etat Civil qui assoit l’ordre social et familial.

Le relevé des patronymes est une chose mais leur quantification, insidieusement, pourrait amener la tentation à vouloir les classer suivant leur nombre, et à déduire mécaniquement de celui-ci une plus grande légitimité, préséance ou notoriété pour un lignage, une famille ou un individu, confondant ainsi quantité et qualité. Mais, a contrario, il informe utilement aussi. Aussi avons-nous conservé un strict ordre alphabétique.
A des fins de lisibilité et de gain de place cependant, nous avons extrait de la liste complète les patronymes utilisés de 1 à 4 fois, notés dans un tableau avec les années de naissance. Les autres sont présentés par table décennale sur 24 colonnes, avec le nombre total d’occurrences sur cette période ainsi que le nombre d’occurrences par table décennale pour marquer les temps et les durées de présence du patronyme.

Confectionnés à partir d’un relevé de données, acte par acte, des registres de naissance de l’Etat Civil (sauf pour la période allant de 1736 à 1802 où j’ai utilisé des tables décennales déjà prêtes) et présentés par décennie de 03 à 12, 13 à 22 etc, les tableaux présentés couvrent 236 ans de la vie du village au cours de laquelle 5228 naissances ont été enregistrées sous 230 patronymes différents, utilisés chacun entre une et 530 fois.

Les registres paroissiaux ont permis l’élaboration des listes de naissances, de mariages et de décès, pour la période allant de 1736 à 1801. La comparaison entre ceux-ci et les registres d’Etat Civil montrent des différences parfois importantes (cf tableau ) dont nous n’avons pas tenu compte dans cette étude où je n’ai utilisé que ces derniers à partir de 1801.



Au début la graphie y est parfois défectueuse ou incertaine, la transcription de l’oral à l’écrit n’étant pas facile à des prêtres ou des secrétaires de mairie qui maîtrisaient souvent mal le latin d’église, le toscan ou le français, langues dans lesquelles ils durent tour à tour traduire l’idiome corse uniquement parlé (Le premier acte d’état civil rédigé en français date du 1er janvier 1844 pour la Commune de Lumio, et du 17 Novembre 1843 pour la Commune d’Occi, sous la signature de Giudicelli Pierre Paul, son nouveau maire).
A ces problèmes linguistiques s’ajoutent ceux provenant de la qualité du papier, de l’encre, du graphisme changeant...En ce qui concerne les noms patronymiques utilsés à Lumio, notons les variantes suivantes dont certaines se sont fixées alors que d’autres se sont unifiées : par simplification nous les avons comptabilisés ensemble.
- Judicelli (jusqu’en 1763), remplacé par Giudicelli ; apparition de Guidicelli en 1854, puis incertitude entre les deux, le « i » étant souvent mal situé graphiquement, d’où un doublet dont nous n’avons pas tenu compte ;
- Justiniani (jusqu’en 1764) remplacé par Giustiniani ;
- Jacobi (jusqu’en 1749) remplacé par Giacobbi ;
- Ciaccaldi, (jusqu’en 1795) remplacé par Ceccaldi ;
- Alberti, Aliberti ;
- Luerini,Lucerini,Loverini ;
- Genuini et Genovini qui cohabitent ;
- Cuneo,Cunio,Cuni, les formes toscanes et piémontaises, cette dernière écrite aussi Cunj ;
- comme Valeri et Valerj ;
- Manuelli, Manovelli, Emmanuelli ;
- le prénom Luiggi placé par erreur devant le patronyme fait descendance, Padovani Luiggi devient Luiggi Paduano

Le même travail a été effectué sur Occi, rattaché à Lumio en 1852, dont nous ne possédons les données que pour les années allant de 1813 à 1851. 68 naissances.y sont notées, utilisant 18 patronymes.



Patronymes avec moins de 5 occurrences (les années sont celles des tables décennales)

Les patronymes de Lumio

Avant de vous laisser vous plonger dans le tableau, voici quelques observations et pistes de recherche :
- 236 noms patronymiques ont été utilisés de 1736 à 1972 ;
- un même patronyme peut désigner des familles non apparentées ;
- des patronymes, de familles différentes, réapparaissent
- le nombre total des occurrences et la durée des occurrences dans le temps sont deux choses différentes
- en tout 24 colonnes, dont la première qui ne fait pas 10 ans et les deux dernières qui appartiennent à « la Corse non traditionnelle » ;
- quelques patronymes sont présents un maximum de décennies,
- les patronymes ont « des durées de vie ».

Une prochaine étude concernera les prénoms utilisés.




mardi 10 février 2009

LA CONFRERIE SAINT ANTOINE DE LUMIU: Origines, statuts, renouveau - par Elisabeth Coletti, Maxime Vuillamier et Robert Coletti

Statuts de la Confrérie de 1859

ORIGINES

Avant d’étudier l’histoire de la confrérie de Lumiu, il nous paraît indispensable de repositionner les confréries corses dans leur matrice, qui est le mouvement confraternel associé au culte des reliques ainsi que les pèlerinages, qui atteint son apogée au XIème siècle, et de donner quelques explications plus générales sur la naissance des confréries en occident.

Au sens propre "confrérie " signifie " rassembler " des êtres par un lien fraternel (Philippet, 2004). L’initiative de la création de confrérie revient à un petit noyau de fidèles, encouragés par une autorité ecclésiastique ou par un groupe de professionnels (dans le cas des confréries de métiers). Cela répondait au besoin vital d’entraide qui animait la société médiévale.

Les confréries en occident naissent à la fin du XIème siècle prenant pour modèle les associations de l’Eglise d’Orient qui, dès le IVème siècle, s’occupaient de faire soigner leurs membres et d’en organiser les funérailles, et dans les fraternités de prière des couvents d’Europe occidentale, mis en place dès le VIème siècle (Philippet, 2004). Elles sont rattachées à un chapitre, à un couvent (en particulier ceux des ordres mendiants) à une paroisse ou à un hôpital. Organisées de façon très précise, elles sont dirigées par un prieur et régies par des statuts. Certaines sont liées à un métier ou à un groupe social, d’autres se consacrent à une dévotion particulière ; toutes se caractérisent par une forte solidarité.

C’est Innocent III (1198-1216) qui constitue la première " confraternitas ", dont le modèle se généralise chez les laïcs. En effet, malgré la bonne volonté du grand nombre, tous ne peuvent devenir oblats, familiers du monastère, ou convers. La plupart des laïcs restent engagés dans les liens du mariage qui est leur privilège, renforcé avec la réforme grégorienne, et vivent de leur travail. Mais ceci leur laisse assez de liberté pour participer à une confrérie (Chélini, 1991).

Les confréries se réunissent régulièrement. Après une prière collective, l’assemblée se préoccupe du sort des membres de la communauté, c’est une véritable société de secours mutuel, pour leurs membres dans le besoin et plus généralement pour les déshérités. Les malades sont visités et aidés (la confrérie fonctionne comme une assurance sociale), certaines confréries gèrent d’ailleurs des hôpitaux. Pour les décès, toute la confrérie s’assemble afin d’assister à la cérémonie funèbre et payer l’enterrement. Le grand moment est évidemment la fête du saint patron. Elle se prépare plusieurs mois à l’avance et mobilise tous les membres. Tout est soigneusement programmé : l’heure des offices, la grand messe, les vêpres, l’habit, l’organisation de la procession et même le nombre de cierges pour le luminaire de l’église (L’éducation religieuse au moyen âge, 2004). Les confréries jouent aussi un rôle culturel important dans le développement du théâtre populaire avec l’organisation des représentations pour les fêtes du calendrier chrétien (nativité, passion…) (Chélini, 1991). A la fin du Moyen Age, les confréries pénètrent jusque dans les couches sociales inférieures et saisissent dans leurs mailles des foules énormes.

C’est très solennellement, le jour de la Fête-Dieu de l’an 1574, dans la dynamique insufflée par le concile de Trente (dont les travaux se clôturent le 4 décembre 1563) que d’importantes festivités inaugurent la fondation ou refondation des confréries (Casta, 1981).

Le concile de Trente (1545-1563) où furent présents les évêques d’Accia, d’Ajaccio et d’Aléria aura pour effet de revivifier et d’approfondir les sentiments religieux en orientant la piété populaire vers des dévotions plus tournées vers le Christ et la Vierge médiatrice.

C’est ainsi qu’à côté ou à la place des anciennes confréries médiévales patronnées par un ou plusieurs saints, se créent des confréries du Saint-Sacrement et du Rosaire qui connaissent un grand succès (Venard, 2000). Une autre réforme inscrite dans un " mémoire sur quelques abus à corriger dans l’église " rédigé à Trente le 29 janvier 1562 par l’archevêque de Raguse Ludovico Beccadelli, est décidée: " [7] de même, on doit prendre garde que sous prétexte de privilèges ou de traditions, le chapitre, les confréries, etc., ne s’exemptent de l’ordinaire, mais que sous sa [ ?] conduite, ils accomplissent ce qui doit être fait " (Taillon, 2000). Des nonces et des visiteurs apostoliques, sont envoyés en mission pour expliquer ces décisions et pour renforcer l’encadrement des laïcs qui doit se faire sur un modèle uniforme fourni par les confréries romaines. Partout on adopte leurs règlements et leurs exercices de piété (Taillon, 2000), car il est vrai qu’en Corse à l’occasion de leurs visites pastorales, les évêques du XVIème et XVIIème siècles ne cessent de déplorer l’ignorance profonde de la doctrine et de l’éthique chrétiennes des populations rurales de ce temps et de relever les survivances tenaces d’un paganisme à peine revêtu des apparences chrétiennes (Cervoni, Monti, Pieretti 1996). Ainsi naissent, dans la seconde moitié du XVIème siècle les compagnies réformées. Durant deux siècles rien ne viendra modifier les statuts des confréries qui atteindront leur âge d’or au milieu du XVIIème siècle, environ vers 1640. Après l’annexion française, les autorités civiles prirent des mesures (édit royal du 4 août 1781, arrêt du conseil supérieur de 1784) visant à circonscrire l’action des confréries (Ravis Giordani, 2004). Au XVIIIème siècle, chaque commune de Corse possédait au moins une confrérie. A la veille de la Révolution Française, la Corse comptait 200 confréries pour 271 paroisses (Ravis Giordani, 2004).

Supprimées par une loi du 18 août 1792, la plupart des confréries se maintinrent sans solution de continuité et réapparurent après le Concordat signé le 15 juillet 1801. Tolérées sous l’Empire plusieurs se reconstituèrent à la Restauration (Ravis Giordani, 2004). De la fin du XIXème au début du XXème siècle, les compagnies sont florissantes, mais après les deux conflits mondiaux, nombre d’entre elles disparaissent. C’est le cas de notre confrérie St Antoine qui décline petit à petit à partir des années 1950 et jusqu’en 1975.


La confrérie de Saint Antoine Abbé

L’idéal des fervents chrétiens des premiers siècles avait été de donner leur vie dans les supplices du martyre, mais depuis la paix de Constantin en 313 cet espoir n’était plus d’actualité. Dans l’Empire romain décadent et affaibli du IVème siècle, les chrétiens, qui n’avaient plus désormais à verser leur sang, se trouvaient tout à coup investis d’une honorabilité et d’une aisance qui risquaient d’engendrer chez eux la tiédeur et la médiocrité. C’est dans ce contexte que, tout au sud de l’Empire, quelques Egyptiens, désireux de mener une vie conforme à l’esprit et aux exigences radicales de l’Evangile, se décidèrent à quitter les villes et les bourgs pour se retirer au désert.

Le mot grec " monachos " existait déjà pour désigner les solitaires, mais la tradition fait de Saint Antoine le Grand ou Abbé (251-356) le premier, et en tout cas le plus célèbre, de ces ermites du début du IVème siècle. Il se retira au désert, où il partagea son temps entre la prière et le travail, et fut assailli par les fameuses tentations auxquelles il sut résister. Saint Antoine est particulièrement célèbre par ses combats contre les démons.

La réputation de Saint Antoine s’est répandue, déjà de son vivant, dans tout l’Empire romain et jusqu’en Mésopotamie. C’est là, à Nisibie, que le poète et musicien Saint Ephrem a chanté, dans ses " Carmina Nisibena " la bonté, l’affabilité du " père des moines ", en expliquant que " l’intimité de son contact avec Dieu le rendait toujours plus condescendant et délicat avec les hommes ".

Tous les moines du monde chrétien, qu’ils soient solitaires ou cénobites, reconnaissent Saint Antoine comme leur ancêtre, leur modèle et leur patron, particulièrement dans l’Eglise d’Orient.

Comment la dévotion à Saint Antoine s’est-elle développée à Lumiu et pour quelles raisons ? Plusieurs hypothèses s’offrent à nous :

Lors de sa visite épiscopale de 1589 Monseigneur Mascardi écrit : " Lumio : église Saint Pierre, 364 âmes, 50 écus de revenus, oratoires de l’Annonciation et de Saint Antoine ".

L’oratoriu Sant’Antone devient la casazza après la construction entre 1800 et 1825 de Santa Maria, il devait cependant exister depuis la fondation du village, au XVème siècle, ou même antérieurement et on peut penser que le culte de Saint Antoine s’est répandu dans toute l’île entre le Vème et le Xème siècle (Moracchini-Mazel, 2005). Pour G. Moracchini-Mazel les oratoires dédiés à Saint Antoine et Saint Léonard se positionnaient sur les voies de passage avant un col, un gué ou un pont, à l’époque préromane (Moracchini-Mazel, 1967).La situation de Lumiu entre les cols de Bracaghju, Fuata et Forcolina renforce cette hypothèse.

Les oratoires naissent comme lieux de culte des confréries et à partir du XVIIème siècle ont une importance toujours plus grande, donnant l’identité à l’association religieuse qui avait choisi un lieu " privé " pour se réunir et prier. Leur construction succède généralement au développement de la confrérie, qui après une première phase de dévotion auprès d’un autel ou à l’intérieur d’une chapelle de l’église d’origine, faisait élever un édifice séparé comme lieu privilégié pour les réunions et les célébrations (Sinigallia, 2004). Il nous est donc permis de penser qu’une confrérie Saint Antoine existait déjà lors de la venue de Monseigneur Mascardi, évêque de Mariana.

L'Ordre des Antonins, Ordre hospitalier fondé au XIème siècle, appelé en Corse Sant'Antone di l'alloghju, avait comme action l'hébergement des vagabonds et soignait le " mal des ardents " maladie mystérieuse pour l’époque (l’ergotisme gangréneux consécutif à la consommation de seigle attaqué par le champignon (claviceps purpurea) dit ergo du seigle, identifié au IXème siècle, elle fut appelée " ignis sacer " (feu sacré). A l'origine, pour entretenir leurs commanderies et hôpitaux, les Antonins faisaient l'élevage de porcs. Le cochon de Saint Antoine joue le même rôle que le chien de Saint Roch apporter le réconfort à son propriétaire atteint d'une maladie de la peau, le zona, appelé en Corse " U foccu di Sant'Antone ", maladie confondue avec le " mal des ardents " après son éradication. Retrouver ces deux vocables à Lumiu ramène aux épidémies de peste subies par la Corse dans l’antiquité, en 1348 et en particulier celle de 1528-1529 à Calvi qui se conjugua avec une razzia barbaresque (Graziani, 1993). L'église de Sant'Antone et l'ancien édifice dédié à San Roccu (San Roccu est le nom d’une des sections du cadastre de 1852 où se trouve un pagliaghju qui possède de belles pierres de réemploi dont deux sont marquées d’une croix, sûrement récupérées dans les ruines d’une ancienne chapelle.) correspondent-ils à un besoin de protection contre la maladie ?

Au XVème siècle en Corse, les couvents de moines hospitaliers étaient actifs. L'un d'entre eux, situé au col de Saint-Antoine de Casabianca dans la région d’Ampugnani, aujourd'hui en ruine, offrait l'hospitalité à ceux qui venaient la demander. On peut imaginer la construction d'un petit établissement érémitique dans les environs du plateau di a Sarra (commune de Lavatoghju), importante voie de transhumance, un oratoire voué au père des moines et protecteur des voyageurs au Moyen Age. Aucun indice, dans l’état actuel de nos recherches, ne nous permet d’attester une présence monastique à Lumiu, mais une étude est engagée.

Sant'Antone était aussi le patron des éleveurs: le 17 janvier les troupeaux étaient bénis. Cette période correspond au sevrage des agneaux qui permet une pleine production du fromage et à la Tumbera. Sant'Antone est en plus associé à une richesse agricole de la Balagne: les oranges.

1. Lumiu avec ses pâturages côtiers et ses cultures délicates a pu se choisir un saint voué aux deux activités économiques, un saint qui permet malgré leurs différences parfois violentes d'unir bergers et agriculteurs.

Les plus anciens documents, pour l’instant, que nous ayons en notre possession sont les statuts et les livres de compte della " Confraternita del S.S Sacramento eretta sotto gli auspicii di S. Antonio Abbate della parocchia di Lummio ", datant de 1859, que nous nous proposons d’étudier dans la suite de notre article.

ETUDE DES STATUTS (1859)

L'étude qui suit porte sur les archives détenues à la Confrérie de LUMIU, comportant quatre cahiers manuscrits :

- un registre des statuts de 1859 ;

- un cahier relatant le montant de la caisse lors des changements de Bureau (1873 -1952) ;

- un registre de comptabilité de 1953 à 1975 ;

- un cahier des amendes et des radiations des Confrères (1876 - 1952).

La période pendant laquelle les statuts furent élaborés s'inscrit dans un contexte de développement économique et social dû :

- à l'accroissement important de la population de la Corse qui passe de 185 000 habitants en 1820 à 255 000 en 1860 et concernant LUMIU de 747 habitants en 1818 à 1012 en 1861 ;

- à l'augmentation des terres cultivées et la progression des cultures arbustives (oliviers, châtaigniers, vignes, amandiers).

Plus de la moitié des hommes du village sont employés comme journaliers par les deux grands propriétaires terriens. La plupart des habitants de LUMIU ont un jardin, une vigne, des amandiers et oliviers, et élèvent de la volaille et des porcs dont ils tirent des revenus complémentaires.

Mais cette embellie ne sera que provisoire car de la fin du dix-neuvième siècle au milieu du vingtième siècle, l'économie insulaire recule (saignée de la première guerre mondiale : plus de 10 000 morts dans l'île dont 23 à LUMIU - émigration vers le Continent et les Colonies).

Dans cette deuxième moitié du dix-neuvième siècle, la pratique religieuse est importante ce qui explique la réapparition de très nombreuses confréries.

Le registre des statuts

Il relate les nouveaux statuts de la Confrérie, rédigés en 1859 en langue italienne, remplaçant d'autres plus anciens que nous n'avons pas retrouvés.

Il comporte également des articles additionnels, annulant ou complétant ces statuts qui sont calqués sur un schéma de statut type que chaque confrérie pouvait adapter selon ses désirs.

Son appellation de Confrérie du Très Saint Sacrement a gardé le nom de l'ancienne Confrérie dont on connaît l'existence, sans document à l'appui, remontant au Concile de Trente avec des interruptions plus ou moins longues (notamment celle résultant de la Loi du 18 août 1792 votée par l'Assemblée Législative et interdisant les confréries). Son nom, le Très Saint Sacrement, indique que c'est une Confrérie de dévotion, où la piété, le culte et la pratique eucharistique tiennent une place importante. Elle succède à la Confrérie "Corpus Domini" et se rapproche de celle des Pénitents. La Confrérie de Lumio est sous la protection de Saint Antoine Abbé comme de nombreuses confréries balanines. On notera que le 18 juin 1882, lors d'une révision des statuts, on ne parle plus du Très Saint Sacrement. Seule la dénomination de Confrérie de Saint Antoine Abbé de Lumio subsistera.

Le siège de la Confrérie, la "Casazza", est celui de l'ancienne église de Lumio jouxtant la nouvelle église construite en 1808 et achevée en 1818. Comme toutes les confréries de cette époque, elle jouit de tous les privilèges et indulgences attachés à l'Archiconfrérie de Rome.

Les statuts de 1859 sont répartis en trente et un articles qui règlent son fonctionnement ainsi que les devoirs et droits des Confrères. Ces statuts seront relus chaque année, le premier dimanche de janvier pour rappeler à ses membres leurs obligations.

1) Conditions d'admission :

Les fidèles des deux sexes pourront être admis aux conditions suivantes:

- être âgé d'au moins quatorze ans,

- jouir d'une bonne et honnête réputation,

- répandre la bonne parole de Jésus-Christ,

- payer la cotisation d'entrée dont le montant est différent selon l'âge et la provenance (quelqu'un "d'étranger" au village paiera cinq fois plus cher).

Il est à noter que les consoeurs, bien que cotisant, ne peuvent ni voter, ni porter l'habit, ni occuper un poste à responsabilité. Par contre, elles ont les mêmes privilèges, à leur décès, que leurs collègues masculins. Dès l'admission du nouveau confrère, le Prieur lui accorde un mois de noviciat et l'oblige à acquérir la "cappa" (aube) afin d'assister aux cérémonies.

2) Election des officiers :

Pour assurer la bonne gestion de la Confrérie, il y aura :

- un Prieur,

- un sous-Prieur,

- deux conseillers,

- deux "Massari",

- deux collecteurs,

- un trésorier.

Tous ces responsables seront renouvelés deux fois par an (les premiers dimanches de février et d'août) mais pourront aussi être confirmés parfois pour un an.

* Le Prieur convoque les Confrères, préside les assemblées et élabore toutes propositions concernant les intérêts de la Confrérie. Il donne au trésorier l'autorisation de payer toutes les dépenses nécessaires mais demande l'autorisation au Conseil pour les dépenses extraordinaires. Il inscrit sur un cahier les entrées et sorties d'argent, afin de les confronter avec le registre du Trésorier le jour du compte-rendu financier. Si le Prieur décède pendant son mandat, son siège sera revêtu de noir jusqu'à l'élection d'un nouveau prieur.

* Le sous-Prieur remplace le Prieur en cas de décès ou d'empêchement de ce dernier. C'est lui qui lira la liste des absents aux Offices Sacrés.

* Les Conseillers donnent leur avis, en accord avec le curé « pro tempore » (du moment) en cas de litige.

* Les deux "Massari" (sacristains) dirigent les processions, s'occupent de l'entretien et de la garde des objets sacrés. Ils sonnent pour réunir les Confrères, prévoient les cierges nécessaires à la célébration des offices, notamment les cierges rouges lors du décès d'un membre de la Confrérie.

* Les Collecteurs perçoivent la cotisation annuelle des Confrères et Consoeurs, ainsi que le sou donné par chaque membre à la mort de l'un d'eux. Ils notent leurs recettes sur un registre.

* Le Trésorier ou Caissier est dépositaire des fonds de la Confrérie qu'il enferme dans une caisse à trois clefs (le Prieur et le curé de la paroisse détenant les deux autres clefs). Il inscrit recettes et dépenses sur un registre. Quinze jours après la nouvelle élection des officiers, aura lieu la vérification des comptes sous la présidence du curé assisté par les nouveaux élus et un procès-verbal sera porté sur le registre des comptes.

3) Devoirs des Confrères :

En premier lieu, les Confrères devront fréquenter, c'est un devoir sacré, l'office divin chaque jour de fête et se rapprocher du Sacrement de la Pénitence et de la "Sainte Communion" au moins trois fois par an. C'est à dire à Pâques, à la fête du Très Saint Sacrement et à la fête de Saint Antoine Abbé. Car il ne faut pas oublier que l'Eglise étant la Maison de Dieu, on doit donner à ce lieu honneur et respect. Au cours de l'année, certaines fêtes sont marquées par des processions solennelles avec obligation d'y assister : le Corpus Domini (Fête-Dieu), la Saint Antoine Abbé (17 janvier), le Saint Rosaire de la Vierge Marie et le troisième dimanche de chaque mois après la messe paroissiale pour la procession du Saint Sacrement. L'absence à ces cérémonies, sans raison valable devra être justifiée devant le Prieur, en présence de tous les Confrères. Seul, le Prieur jugera de la légitimité de l’excuse.

Les insignes de la Confrérie (bannière, bâtons, lanternes) seront portés au cours des processions et des enterrements par les nouveaux Confrères.

Mais le grand devoir du Confrère est de prier et d'aider lors du décès d'un Confrère ou d'une Consoeur. Pour cette circonstance, le glas est sonné par les "Massari" ; tous les Confrères se réunissent et prient pour son repos en récitant un Pater, un Ave et un Requiem. Si le décès survient dans la journée, ils vont le soir au domicile du défunt afin d'y réciter l'Office des Morts et s'il survient la nuit, la famille donnera un coup de cloche "alla lunga" afin que les Confrères sachent que l'enterrement aura lieu le matin suivant. Le Prieur s'informera si le défunt était à jour de ses cotisations et dans le cas contraire ses héritiers devront s'en acquitter. Tous les Confrères devront être présents au service funèbre du défunt. Celui qui ne sait pas lire devra réciter une partie du chapelet.

4) Droits des Confrères :

L'esprit qui anime la Confrérie gomme les différences sociales. Il existe une solidarité entre chaque membre et tout Confrère dont la vie est exemplaire, même le plus pauvre peut accéder au poste de Prieur. Tout Confrère sait qu'à sa mort, riche ou pauvre, il aura droit à de dignes obsèques, entouré de tous les autres membres, à des messes célébrées pour le repos de son âme (le jour de l'enterrement, le septième jour après la mort et quatre messes au cours de l'année) à huit livres de cire rouge le tout payé sur les fonds de la Confrérie.

Quant au Prieur, lors de son décès, il aura droit à seize livres de cire rouge et à une messe solennelle le dimanche suivant son enterrement avec obligation à tous les Confrères d'y assister. Les Confrères aident le mourant, la famille, en prenant en charge les obsèques (cierges, linceul, frais de messe, location du corbillard ou cabriolet) grâce aux cotisations et amendes.

5) Cotisations et amendes :

S’il est angoissant de mourir pour un confrère, il en est de même pour ses pairs survivants, car ils sont taxés sur chaque manquement aux statuts dont voici quelques exemples. Outre la cotisation annuelle "tassa" de vingt sous chaque confrère à la mort de l’un d’eux devra verser un sou (i soldo dei morti). Seuls les prêtres inscrits à la Confrérie du Très Saint Sacrement sont dispensés de payer ces deux taxes ; mais ils devront célébrer gratuitement une messe de Requiem le huitième jour après la mort du défunt. Une amende de quatre sous est exigée s’ils sont absents aux services funèbres, aux fêtes solennelles et aux élections des officiers. L’oubli du port de la "cappa", la désobéissance ou les reproches envers le Prieur lors des assemblées seront passibles d’une amende de dix sous. De même, les Confrères qui restent sur la place de l'Eglise pendant le temps des offices se verront eux aussi infliger une taxe de quatre sous.

Au terme des trente et un articles des statuts, le 25 janvier 1859, l'Evêque d'Ajaccio les ayant trouvés conformes à l'esprit de l'Eglise donne approbation et aide à cette nouvelle Confrérie du Très Saint Sacrement.

Mais, le 17 février 1861, deux ans après l'approbation des statuts, un conflit entre le curé du moment et le Bureau de la Confrérie fait l'objet d'un paraphe sur le registre. Il y est stipulé que les membres du Bureau, jugeant arbitraires et illégaux les ajouts aux articles 17, 18, 25 et 29 des statuts (car la cotisation officielle de 12 sous est rayée et passée à 20 sous) et la suppression de certaines phrases (articles 25 et 29 : « … verso la confraternita, ed allora autorizera i Massari a rimettere alla famiglia del defonto otto libro di cera rossa (peso di francia) per esser fabbricata per i di lui funerale »), décident de revenir aux statuts de 1859. Ce conflit dut être sérieux pour avoir été porté sur le registre officiel.

En 1866, on note trois articles additionnels aux statuts. Le premier concerne la procédure relative à l'élection des officiers omise dans les trente et un articles de 1859. Ceux-ci seront élus par les officiers sortants assistés du curé "pro tempore" et de deux membres les plus âgés. Le deuxième additif stipule qu'un procès verbal doit être consigné sur un livre à part et contresigné par les électeurs. Ce procès verbal sera lu et approuvé par le curé du moment sous peine de nullité. Le troisième article mentionne, par esprit de paix et de concorde, la réintégration des membres radiés de la Confrérie sous condition de régler les taxes et amendes dues.

Trois articles additionnels du 18 juin 1882 (rédigés en français et approuvés par l'Evêque) mentionnent que l'argent perçu à la mort d'un Confrère soit uniquement employé à célébrer des messes pour le repos de son âme (mais à quel usage était-il destiné auparavant ?). D'autre part, un Confrère, lors de son décès, aura droit à :

- un cercueil ou à trois "planches" ou à trois francs

- trois kilos de cire blanche confectionnée (correspondant à dix cierges et dix paires de chandelles) ou à huit francs.

Le 10 avril 1886, une décision du Prieur (paraphée par l'évêque d'Ajaccio) fait mention du port obligatoire de la "manteletta" en plus de la "cappa" lors des cérémonies officielles.

En 1902, le nombre de Confrères devait être important car le Prieur divise la Confrérie en quatre sections, chacune assurant l'accompagnement des défunts à tour de rôle, ce qui permet de combattre l'absentéisme (qui est taxé lourdement) et permettre aux autres (la plupart sont journaliers) de continuer à travailler. Ceci est attesté par quatre articles additionnels (en italien) en date du 30 novembre 1902 et approuvés par l'Evêque.

D'autres articles additionnels datant de 1903 et rédigés en français abrogent la taxe due pour le sociétaire défunt et augmentent la cotisation annuelle.

En décembre 1921, devant la cherté de la vie, la cotisation est augmentée mais surtout, le Confrère empêché peut se faire remplacer aux cérémonies sans être taxé (article du 11 décembre 1921).

En 1928 et 1940 les Assemblées de Confrères décident (devant l'augmentation du prix des matières premières - planches, cierges -) de relever les cotisations et le prix de l'accompagnement des défunts.

De 1859 (date de l'élection du premier Prieur) jusqu'en 1873, le nom des officiers élus est porté sur le registre officiel des statuts ; mais un rappel à l'ordre de l'évêché d'Ajaccio notifie à la Confrérie que seuls les articles additionnels modifiant les statuts originels ont le droit d'être portés sur ce registre.

Le cahier de caisse

Donc, à dater de 1873, un autre cahier est utilisé pour noter les procès verbaux des changements d'officiers et le solde de trésorerie du mandat du Prieur sortant. Les changements d'officiers de 1859 à 1915 ont lieu tous les six mois (les premiers dimanche de janvier et d'août) puis, à partir de 1915, ils seront annuels pour aboutir en 1956 à des mandats de plus en plus longs.

Sur ce cahier est porté également le lieu de réunion du Bureau sortant et entrant : souvent au presbytère du curé « pro tempore » (l'abbé FERRANDI de 1873 à 1891) ou à l'oratoire Saint Antoine ou même à la sacristie de l'église. En 1894, les réunions ont lieu à nouveau au presbytère en la présence du curé GRISONI.

De 1859 à 1956, cent deux prieurs sont répertoriés (avec le même prieur de 1956 à 1975) et à partir de 1903, les procès verbaux sont rédigés en langue française.

L'année 1914 est marquée par l'absence de réunion ; sans doute est-ce dû au départ d'un grand nombre de Confrères pour le front.

Le registre de comptabilité

L'étude de la Trésorerie de la Confrérie révèle un solde toujours positif et croissant (181 francs en 1873 à 1 061 francs en 1883 et 90 200 francs en 1957), ce qui peut être expliqué par un afflux plus important d'adhérents. L'absence de documents comptables ne permet pas d'avancer d'explications plus précises. Le registre de comptabilité ne couvre que la période 1953 - 1975. Sa tenue en est très simple, ne comportant que deux rubriques :

- les entrées (c'est à dire les recettes),

- les sorties (c'est à dire les dépenses).

Les entrées étaient constituées par :

- les cotisations des Confrères et Consoeurs « tassa »,

- les quêtes effectuées lors des fêtes de la Confrérie :

* messe de Saint Antoine,

* le Vendredi Saint (Office des Morts),

* quête du soir lors de la fête du Très Saint Sacrement,

* la contribution volontaire lors de la distribution des oranges bénies (ces oranges étaient le plus souvent offertes par les gens du village mais quelques fois ont dû être achetées),

* les dons personnels.

Les sorties comprenaient :

- les messes payées au curé à l'occasion des enterrements des Confrères et des fêtes de la Confrérie,

- les messes des adhérents défunts pour les sorties de deuil,

- les bénédictions (des oranges) payées aux curés,

- l'achat des cierges pour les différentes cérémonies et enterrements,

- la location du cabriolet - corbillard,

- achat du cercueil (pour les indigents) ou de planches,

- achat d'oranges (certaines années la Confrérie a dû en acheter faute de dons),

- dons aux familles de Confrères défunts lorsque ces derniers décédaient loin de LUMIO (ainsi on relève une dépense de 7 800 francs de 1958 à l'occasion du décès d'un Confrère),

- la remise en état du cabriolet - corbillard (en 1958 et 1964),

- en 1970, la Confrérie fit don de douze chaises à l'église (40 francs la chaise),

- les travaux et entretien du bâtiment de la Confrérie (en 1973 : changement de la porte d'entrée et réparation de la porte latérale - 1974-75 : travaux d'électricité, maçonnerie, peinture et vernissage).

Nous avons là un aperçu grossier de la vie économique de la Confrérie avec des lacunes, des imprécisions voire une absence totale de documents concernant les années 1955, 1962 et 1965. Néanmoins, nous avons essayé de calculer le nombre d'adhérents (dont il n'existe aucune liste) de façon approximative, à partir du produit des cotisations, signalons qu'à partir de 1970 il n'y a plus de cotisation et quelques dons seulement entre 1971 et 1975.



Nombre de confrères 1953 - 1969 (calculé d'après les cotisations)

Le cahier des amendes et radiations

Dans l'article 21 des statuts de 1859, le Prieur invitait les Confrères à régler leur cotisation ou amendes sous peine d'être radiés. Le quatrième et dernier cahier de la Confrérie, commencé en 1876 et terminé en 1952, relate les motifs des amendes et des radiations avec des annotations de réadmissions si le contrevenant avait réglé ses dettes.

Parmi les motifs qui entraînent des amendes, on note le plus fréquemment le non paiement de la cotisation annuelle et le "sou des morts" ("il soldo dei morti") et l'absence aux réunions, processions et messes. L'omission du port de la "cappa" fut taxée durant toute la mandature du prieur de 7,45 francs. En 1887, la même année, on relève deux motifs anecdotiques : un caissier (P.S.) "per non aver voluto aprere la cassa per prendere il denaro per le speze..." cela lui a coûté 5 francs et il fut réadmis après avoir réglé l'amende. Le même jour (F... ), un autre administrateur fut taxé : "per non aver voluto accetare le chiave della cassa... ". On relève aussi d'autres motifs tels que la non tenue du registre, mais il y a plus grave, ainsi, en 1898, un Confrère est radié pour avoir refusé la charge de "Massaro" et le paiement de la taxe ; par contre, pour le même motif, un Confrère est seulement taxé de 24 francs en 1911. Il en coûte 25 francs à un autre Confrère pour avoir refusé la charge de prieur en 1925. Une radiation est prononcée à l'encontre d'un Confrère émigré pour non paiement de la cotisation et refus de son règlement par la famille restée au village. Mais il y avait aussi des radiations volontaires demandées par les intéressés eux-mêmes ou leur famille suite au départ vers les colonies ou le continent. Le nombre de radiations est variable, allant de dix (1881 - 1884) à vingt deux (1876) avec trois réadmissions, vingt six (1901) avec cinq radiations ; vingt cinq en 1921. Sous la mandature du même prieur, de 1950 à 1952, dix-sept radiations sont notées sans en préciser les motifs.

Le quatrième cahier se termine en 1952 et nous ignorons si des amendes et radiations furent encore prononcées alors que la Confrérie perdure jusqu'en 1975 comme l'atteste le registre de comptabilité.

L'étude réalisée sur ces quatre documents laisse beaucoup de questions en suspens car des registres manquent, notamment le cahier du Prieur, cité à l'article 5 des statuts, où ce dernier doit noter et dater les entrées et sorties de fonds de la Confrérie, ainsi que le cahier du caissier.

De plus, aucun article des statuts ne stipule une aide donnée à la veuve et aux enfants du Confrère défunt (sous forme de prestations journalières pour la moisson, vendanges ou de dons d'argent). Cela est dû au fait que l'entraide par la famille, les amis et l'entourage était importante dans le village et confirmée par beaucoup de témoignages.

La Confrérie de LUMIU fut donc importante (en 1903, cent dix Confrères et Consoeurs sont répertoriés sur un article additionnel du registre et on retrouve le même nombre de 1954 à 1957). Mais on constate, à la lecture de ces livres, un laxisme croissant dans leur tenue. Accepter la charge de Prieur, Caissier ou Massaro devient un fardeau puisque certains, en la refusant, ont dû payer une amende ou être radiés. Ce qui nous amène à une situation extrême où le même prieur occupe cette charge pendant dix-neuf ans. Cette désaffection est aussi due à une baisse de la pratique religieuse.

Le but initial de la Confrérie, c'est à dire l'accompagnement de ses membres au seuil de la mort, l'assurance d'une digne sépulture et des messes pour le repos de leur âme, ne paraît plus aussi impératif. En effet, le niveau de vie ayant augmenté, chacun peut enterrer ses morts selon ses moyens et l'égalité sociale qui animait l'esprit de la Confrérie y a perdu de sa force.

LE RENOUVEAU

Le samedi 24 juillet 1993 quelques habitants de Lumiu se réunirent sur la place de l’église pour recréer la confrérie Saint Antoine de Lumiu afin de veiller à la sauvegarde du patrimoine religieux de la paroisse. Il fut procédé à l’élection du Bureau et des ses membres par les 30 nouveaux Confrères, cette recréation fut effective le 2 août 1993 par parution au journal officiel (N°33 de la 125e année datant du 18 août 1993, avec pour objet la défense et la promotion des sites et du patrimoine culturel et religieux de Lumiu et ayant pour siège social la casazza Saint Antoine, place de l’église, 20260 Lumiu).

Ces nouveaux statuts sont ceux des associations de loi 1901 ; le but et l’administration de la Confrérie, dont les textes sont empruntés à celle de Calenzana, sont les suivants :

But de la confrérie

I – La Confrérie tend à rassembler le plus grand nombre possible de chrétiens vivant à Lumiu par de nouveaux liens, sans distinction de sexe, de classe sociale, d’opinion politique. L’entrée de la Confrérie est ouverte à tous dès l’âge de la majorité et après consultation du conseil et son avis, pour les mineurs. Comme par le passé, les hommes seuls porteront l’habit de la Confrérie. Dès leur inscription ils auront à cœur d’avoir cet habit.

II – L’engagement dans la Confrérie devrait nous soutenir dans la lutte contre la paresse, la négligence, et le respect humain, nous amener à être plus fidèles, à vivre notre foi, et à participer aux célébrations de notre paroisse. Nous voulons en tant que membres de la Confrérie « Saint Antoine Abbé » de Lumiu prendre la relève des anciens de notre communauté et de transmettre le message par notre vie chrétienne - message généreux et exigeant. Ces exigences de vie chrétienne, vie qui n’est peut-être pas ou plus celle de certains d’entre nous, demeurent notre but, notre idéal à atteindre. Frères et Sœurs s’y encourageront mutuellement. Nous trouverons des occasions de réfléchir aux problèmes de la vie spirituelle, sociale et communautaire, afin de mieux comprendre, mieux écouter et partant, mieux servir. Nous décidons d’un commun accord avec les membres de notre Confrérie que ces réflexions se feront neuf fois par an.

Le lieu de rencontre demeure « A CASAZZA » siège traditionnel de la Confrérie qui reste le meilleur endroit pour vivre notre recherche.

En demandant notre admission dans la Confrérie, nous nous engageons à nous retrouver tous pour les solennités suivantes, fêtes solennelles pour nos anciens :

- Saint Antoine Abbé, notre Saint patron et Protecteur,

- La Semaine Sainte,

- Saint Pierre et Saint Paul,

- Sainte Marie (15 août, Patronne de la paroisse),

- Le jour du 2 novembre,

- La messe de Noël.

Pour ces fêtes, les hommes en habit assureront l’organisation des processions.

A la procession du Vendredi Saint, ils assureront « A GRANITULA ».

Une recherche sera menée en commun, avec notre curé pour imaginer et organiser une grande mise en valeur de notre vie paroissiale.

III – Comme de tous temps, les membres de la Confrérie auront pour mission spéciale d’assister ceux qui sont rappelés à Dieu, d’aider par l’assistance, la prière, ceux qui vivent l’épreuve de la séparation.

La bienfaisance est une qualité qui nous rapproche et qui nous unit. La prière, la participation aux obsèques, l’offrande de la messe pour les membres de la Confrérie défunts seront des manifestations de notre sollicitude.

Nous considérons comme un modèle d’humilité devant la mort, la sagesse des Confrères d’antan, qui imposèrent un décor liturgique identique et éloquent dans sa mise en oeuvre : mêmes cercueils, mêmes luminaires, quelles que soient les ressources familiales ; nous souhaiterions dans l’église recouvrir les cercueils d’un drap mortuaire cachant tout ornement et fioritures.

Le 2 novembre, jour des Morts, les Confrères iront au cimetière en habit, et chanteront la messe et le « Libera me »

IV – Notre Confrérie veut travailler à l’œuvre de Rédemption en participant de son mieux au culte et à la vie sociale de son village.

L’administration de la Confrérie

I – Toute personne de bonnes mœurs participant aux fêtes de la Confrérie, aux activités qu’elle suggère, et versant sa cotisation annuelle qui est à préciser, sera inscrite sur les Registres de la Confrérie.

Toute personne qui tomberait dans l’inconduite ou s’abstiendrait de participer aux fêtes, alors qu’elle le pourrait ou, de verser sa cotisation durant deux ans, sera considérée comme démissionnaire après rappel et avis du Conseil.

II – Les réunions à la casazza se feront sur l’ordre du jour prévu :

1 – programme des fêtes.

2 – Assemblée générale.

3 – Thèmes de réflexion.

Au cours de l’assemblée générale seront élus les dix membres du Conseil, hommes et femmes, lesquels éliront à leur tour, le Prieur, le sous-Prieur, le trésorier, le directeur des cérémonies.

Le plus âgé des Confrères présidera le scrutin. Les Confrères désignés considèrent être investis d’une charge et non d’un honneur. Ils sont au service de la Confrérie, donc de la communauté paroissiale toute entière.

III – Le Prieur aura pour charge de veiller sur la Confrérie, à ce que ses membres respectent les prescriptions du règlement acceptées librement, et à ce que l’esprit de la Confrérie rayonne dans notre village. Pour les décisions qui sembleraient utiles à la Confrérie, le Prieur agira avec humilité et prudence avec l’accord de son Conseil. Il veillera à informer le prêtre de la paroisse de la vie de la Confrérie, à lui demander conseil, surtout si une décision serait à prendre à la majorité simple des dix consultants. Sans la majorité de six voix « Pour » le Prieur remettra à plus tard toute décision. Il préside un groupe de responsables, mais n’a de pouvoir que par le groupe et avec lui.

IV – Le sous-Prieur doit remplacer le Prieur dans sa charge si celui-ci venait à être empêché. Son remplacement peut être provisoire ou en cas de force majeure durer jusqu’à la prochaine assemblée générale et au nouveau vote d’élection du nouveau bureau des conseillers.

V – Le trésorier tient les comptes « entrées - sorties ». Il n’est pas autorisé à disposer par lui-même de l’avoir de la Confrérie. Il n’est que le dévoué et fidèle dépositaire. Il est souhaitable d’avoir un compte officiel CCP ou bancaire.

VI – Le directeur des cérémonies veillera à la dignité et à la beauté du déroulement des processions qu’il conduira ou fera conduire, par un Confrère choisi.

La survivance du rite de la GRANITULA sera un de ses soucis ainsi que le retour aux chants que la tradition chrétienne de nos anciens avait enseignés. Nous resterons fidèles à ce patrimoine culturel qui a toute sa valeur. (Bâtons, lanternes, bannières, etc.)

Unis par la même volonté de faire revivre la Confrérie et forts de ces nouveaux statuts, les cinq mois suivant servirent à l’apprentissage des chants et de la liturgie de la messe des vivants car le premier but fixé était que la confrérie puisse présider aux cérémonies de son intronisation le 23 janvier 1994. Une chjama fut lancée auprès de toutes les confréries de Balagne qui répondirent avec enthousiasme, ainsi les confréries de Calenzana et Calvi rehaussèrent de leur présence cette célébration. La cérémonie se déroula ainsi :

Après l’accueil des confréries dans la casazza par les Lumiais, Mr Brandaloni Prieur Honoraire de Saint Antoine abbé de Calvi, plus ancienne Confrérie de Balagne, intronisa le nouveau prieur de Lumiu qui à son tour intronisa ses nouveaux confrères, suivi une procession jusqu'à l’intérieur de l’église Santa Maria où fut célébrée la grande messe. La même année se déroula la procession du Vendredi Saint avec un pénitent. Puis débuta l’apprentissage de la messe des défunts, qui permit, outre de rendre un dernier hommage aux personnes décédées, de pouvoir célébrer la messe des défunts tous les 2 novembre. Le 8 décembre 1995 est une date importante car notre confrérie fut désignée pour organiser la première fête de la fédération des confréries de Balagne, sous la protection de l’Immaculée Conception patronne de la Corse.

Mais le but d’une confrérie est aussi d’aider son prochain, c’est pour cela qu’elle vint en aide à des familles du village dans le besoin, qu’elle organisa un repas de fin d’année le 31 décembre pendant quelques années mais surtout qu’elle créa " a fiera di san Petru " en 1994, qu’elle dirigea pendant deux ans avant de laisser la place à un comité de foire.

Aujourd’hui, notre Confrérie intervient (hormis pour les baptêmes, mariages ou enterrements), dans sept grandes occasions :

- le 17 janvier, fête patronale de la Confrérie,

- pour la semaine Sainte, le Jeudi, le Vendredi Saint et le Dimanche de Pâques,

- le 29 juin, pour la Saint Pierre et Saint Paul,

- le 15 août, pour la Sainte Marie, fête patronale du village

- le 8 septembre à la Stella, pour la Nativité de la Vierge,

- le 2 novembre, Fête des Morts,

- et le 24 décembre, veillée de Noël.

Le circuit des processions varie selon la fête :

- le tour de la place de l’église pour les 17 janvier, 29 juin,

- la place plus une prolongation par la rue de la fontanella et retour par la poste le 15 août,

- le tour du village pour le Vendredi Saint, avec trois stations où le pénitent tombe :

· au carubbu,

· devant l’hôtel chez Charles,

· à la Croix, devant l’arrêt du car.

- Le 2 novembre la procession se fait, suivant le temps, soit autour de l’église Saint Pierre Saint Paul, soit autour du cimetière.

- Pour Noël, la procession se déroule du Chœur au fond de l’église puis remonte jusqu’à la crèche pour déposer l’Enfant Jésus.

- Le 8 septembre est une fête à part puisqu’elle permet de nous retrouver avec la Confrérie de Lavatoghju pour une messe et une procession dans le champ jouxtant le sanctuaire.

Les dernières élections se sont déroulées le 19 février 2005 en présence des 24 Confrères. Elles démontrent la vivacité toujours effective de la Confrérie et son envie grandissante de rester au service de la communauté.

Comme nous l’avons vu tout au long de ce travail, la volonté des hommes à forger une société meilleure, plus équitable et surtout plus humaine, a été, des origines jusqu’à nos jours, l’intention des confréries.

Créées par le besoin vital d’entraide qui animait la société médiévale, ces confréries ont véhiculé une " spiritualité et une forme de piété essentiellement populaire " (Casta, 1965) Durant des siècles, elles furent régies par des statuts qui ont su évoluer : tantôt rigides pour garder le sérieux de leur mission (aide aux plus démunis, accompagnement des malades, des défunts et culte des Saints patrons ), tantôt plus souples pour s’adapter à l’évolution de la société, ( Lumiu a surtout été un village de bergers et d’agriculteurs avec une grande majorité de journaliers ). Après quelques années de doute dues aux deux guerres mondiales, leur renouveau est le fruit d’un constat simple : nos sociétés ont perdu cette volonté d’unir les hommes dans une structure où l’aide et le soutien mutuels permettent de faire face aux accidents de la vie. C’est surtout sur ces points que les confréries modernes ont mis l’accent : donner à son prochain Solidarité et Réconfort.


Confrérie de Saint Antoine - Registre de Comptabilité (1873)

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